| Mois de la photo 2004 à Paris
Nuremberg : les coulisses du pouvoir, la scène du procès
Photographies d’Arno Gisinger
Exposition en deux volets,
présentée par la Galerie 779 :
Jeu de paume hors les murs - site Concorde
Jardin des Tuileries, près du grand bassin
Paris 8e
du 28 octobre au 3 décembre 2004
Jeu de paume
École d’Architecture Paris-Malaquais
(accès par la cour de l’École nationale supérieure des beaux-arts)
14, rue Bonaparte
Paris 6e
du 28 octobre au 12 novembre 2004
Vernissages le 5 Novembre 2004 :
17 h Jeu de paume
19 h École d’architecture Paris-Malaquais
Des lieux oubliés
par Jean-Jacques Fouché
Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) avait tenu ses premiers congrès, dans une certaine indifférence, d’abord à Munich en 1923 puis à Weimar en 1927. Il s’installe à Nuremberg en 1929, où le rendez-vous devient annuel, la première quinzaine de septembre, de 1933 à 1938.
La direction du Parti avait besoin d’un haut lieu identifiable à la mesure de ses ambitions grandissantes depuis l’installation de Hitler à la Chancellerie. Sur 11 hectares, l’architecte Albert Speer conçoit « l’espace de la fête » (Reichsparteitagsgelände) dédié exclusivement aux journées du Parti.
Les travaux commencent en 1933. Provisoirement, on utilise un monument commémoratif et un espace existant, le Luitpoldhain, transformé et intégré dans le nouvel ensemble. La maquette est présentée à Paris lors de l’Exposition internationale de 1937. Le film de Leni Riefenstahl Triumph des Willens (Le triomphe de la volonté), réalisé sur ce site, y reçoit une médaille d’or.
Les bâtiments ne pouvaient qu’être grandioses. Une vision néoclassique animait les dirigeants. La scénographie organisait le dispositif de la rencontre spectaculaire entre un « acteur unique » et la masse humaine. Présent en personne ou en effigie, « Il » était partout. « Son peuple » communiait dans l’euphorie jusqu’à l’extase, celle d’un bonheur inoubliable.
Durant une semaine le spectacle était permanent avec défilés d’uniformes, alignements d’oriflammes, exhibitions de gymnastes, parades d’armes avec avions et blindés, chocs de troupes et illuminations nocturnes de la « cathédrale de lumière ».
Dans ce décor on dénonçait les « corrupteurs de l’art » avant de nettoyer les musées de leurs œuvres ; les juifs allemands, déjà persécutés, sont privés de leurs droits civiques...
Il n’y a pas de ruines, seulement des restes, peu dégradés ou inachevés, demeurés là tels qu’abandonnés. Aucun « génie du lieu » n’a pu extraire les constructions nazies du dédain dans lequel elles sont plongées. Issues du ressentiment et de l’imitation, leur statut est celui de résidus d’un passé honteux. Elles sont vouées à des usages de hasard.
La mémoire des victimes a permis – ou imposé ? – la conservation et la muséographie des camps d’extermination et de concentration. Rien de tel avec « l’espace de la fête » : les victimes de la Shoah et des Oradour en sont absentes. Il n’y a pas, ici, de discours compassionnel possible sinon un récit pédagogique.
En ville, une petite salle de tribunal restera dans l’Histoire comme le lieu du premier exercice du droit pénal international. Des victimes y ont été entendues et des responsables jugés criminels.
Jean-Jacques Fouché
| | Visiteurs de l'exposition "Nuremberg : les coulisses du pouvoir" dans les Tuileries, Mois européen de la photographie, Paris 2004 | |